Samedi 25 mai, dans le cadre des Instants préhistoires organisés par la communauté de communes de Neste Barousse et les guides de Gargas, nous accueillons Laurent Bruxelles, directeur de recherche au CNRS, laboratoire TRACES (Toulouse). Spéléologue, géomorphologue et géoarchéologue, il consacre ses recherches à la formation et à l’évolution des grottes calcaires et à l’étude du passage des Homo Sapiens sous terre.
Il travaille sur des sujets variés comme l’apparition du genre Homo en Afrique Australe, la protection de grottes ornées ou les risques que représentent les aménagements pour les grottes.
Depuis quelques années, il a développé l’étude de la biocorrosion, c’est à dire l’impact de la présence de colonies de chauves-souris dans les grottes.
Citons Laurent Bruxelles en guise d’introduction à sa conférence :
» Si l’on connaissait l’impact des chiroptères sur le milieu souterrain par des indices très ponctuels, il apparaît que cet impact avait été largement sous-évalué. En effet, ces dernières années, les recherches en karstologie ont intégré et développé cet aspect, révélant à quel point, même sous nos latitudes, l’impact de la biocorrosion est important. Ainsi, il apparaît que les parois des grottes qui ont été occupées par ces colonies ont été fortement modifiées. Elles sont non seulement altérées, mais aussi parfois très largement refaçonnées, au point que la section de la galerie a considérablement augmenté. De nouvelles formes de parois, jusque-là inconnues, ont été identifiées et tout un nouveau catalogue de ces morphologies invite à la relecture des formes pariétales.
Évidemment, ce recul des parois a eu un impact sur les œuvres préhistoriques et, là où la biocorrosion a joué, les traces des artistes de la Préhistoire ont disparu. L’identification de l’impact de la biocorrosion permet donc d’expliquer certains vides et surtout, de relativiser les absences d’œuvres dans certaines parties de cavité voire dans certaines grottes. En retour, compte-tenu de la généralisation de ce phénomène, on peut alors aller jusqu’à se demander pourquoi il reste encore des cavités ornées ? Les premiers exemples qui viennent en tête montrent qu’il s’agit à chaque fois de grottes ou de parties de grottes qui n’étaient plus accessibles au chiroptères. C’est-à-dire qu’après le passage des artistes, une fermeture localisée ou généralisée de la cavité a bloqué l’accès aux chauves-souris, permettant la préservation de ces œuvres fragiles jusqu’à aujourd’hui.
C’est le cas de la grotte de Gargas donc les œuvres pariétales sont très bien préservées. Pourtant, tout le long de la grotte, nous avons identifié des traces de biocorrosion d’une rare intensité. Visiblement la cavité a abrité des colonies de chauves-souris et les parois ont été largement refaçonnées. Mais ici, la biocorrosion a précédé le passage des artistes préhistoriques. Mieux encore, en lissant les parois ou en creusant de larges coupoles, elles ont préparé le support de ces œuvres. Ainsi, les artistes ont largement exploité les partie lisses de la paroi ainsi que les formes de biocorrosion qui a donc eu, cette fois, un rôle structurant pour l’art. Puis la grotte s’est refermée pendant plusieurs dizaines de milliers d’années évitant qu’une nouvelle phase de biocorrosion n’efface pour toujours ces fragiles témoignages. »
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